Emmanuel Macron a entamé hier un voyage en Afrique Centrale qui le conduira au Gabon, en Angola, au Congo-Brazzaville et en République Démocratique du Congo (RDC).[1] L’un des objectifs de ce déplacement est sans doute de faire contrepoids à la présence croissante de la Chine et de la Russie sur le continent. Seulement, cette visite du président français pourrait se solder par un échec en raison du rejet du personnage et de l’absence d’une politique cohérente et respectueuse des nations africaines.
En novembre 2017, Macron organisa une discussion avec la jeunesse du Burkina Faso dans une université locale aux côtés de l’ancien président Kaboré.[2] Pourtant, 5 ans plus tard, à partir d’octobre 2022, des manifestations contre la présence française éclatèrent dans ce pays avec des drapeaux pro-russes brandis par la foule.[3] En janvier 2023, le Burkina Faso demanda à la France de retirer ses troupes du pays[4], et au début du mois de février, le premier ministre Burkinabé révélait que les partenaires traditionnels auraient bloqué l’armement commandé par l’ancien président pour lutter contre les jihadistes qui attaquent le nord et l’est du pays.[5]
L’homme du “En même temps”, Emmanuel Macron, semble peiner à convaincre la jeunesse africaine de la sincérité de sa volonté de se départir de la politique française en Afrique, la fameuse Françafrique. Le Gabon et le Congo-Brazzaville où doit se rendre le chef de l’Etat sont des illustrations dynastiques et anti-démocratiques qui sclérosent le progrès et la France y a fortement contribué. En RDC, c’est la faible condamnation des rebelles du M23 et du Rwanda par Emmanuel Macron qui est critiquée.
Dans ce dernier pays, une autre information avait déjà créé des tensions fin 2022 : la circonstance que les sociétés qui vendent des armes au gouvernement congolais doivent notifier cette vente au comité des sanctions de l’ONU, une situation singulière qui met la RDC sur une forme de liste noire et qui entrave sa stratégie et sa souveraineté en matière de défense.[6] Il y a deux jours, un célèbre artiste de la RDC, s’étant affiché aux côtés de Macron, a vu sa résidence être attaquée et ses véhicules endommagés à Kinshasa. Hier, ce sont des dizaines de Congolais qui ont manifesté devant l’Ambassade de France à Kinshasa contre l’arrivée d’Emmanuel Macron.[7]
L’Afrique connaît aujourd’hui une mutation politique. À cet effet, les dirigeants de l’Afrique Centrale, le ventre mou du continent, doivent faire preuve d’intelligence pour ne pas endiguer le cours de l’histoire en échange de prébendes mesquines nuisibles à l’intérêt des peuples. Quant à la France, elle gagnerait à avoir un représentant qui serait à la hauteur des bouleversements géopolitiques en cours.
[1] RFI, 26 février 2023, https://amp.rfi.fr/fr/afrique/20230226-avant-sa-tournée-en-afrique-centrale-emmanuel-macron-fixe-le-cap-de-sa-politique-africaine
[2] Brut, 28 novembre 2017, https://youtu.be/ziqdRQrTmmY
[3] Jeune Afrique, 18 novembre 2022, www.jeuneafrique.com/1394692/politique/burkina-faso-manifestation-anti-francaise-drapeaux-pro-russes-et-tension-a-ouagadougou/ ; France TV Info, 28 janvier 2023, www.francetvinfo.fr/monde/afrique/burkina-faso/coup-d-etat-au-burkina-faso/au-burkina-faso-le-paternalisme-c-est-fini-des-milliers-de-manifestants-denoncent-l-influence-de-la-france-en-afrique_5627963.html
[4] RFI, 25 janvier 2023, https://amp.rfi.fr/fr/afrique/20230125-la-france-va-retirer-ses-troupes-du-burkina-faso-d-ici-un-mois
[5] Interpub, 3 février 2023, https://interpub.net/burkina-des-armes-commandees-ont-ete-bloquees-par-nos-partenaires-premier-ministre/
[6] Radio Okapi, 17 novembre 2022, www.radiookapi.net/2022/11/17/emissions/linvite-du-jour/le-gouvernement-congolais-saisi-le-comite-des-sanctions-de-lonu
[7] Jeune Afrique, 1er mars 2023, www.jeuneafrique.com/1422755/politique/en-rdc-colere-contre-fally-ipupa-slogans-anti-macron-et-drapeaux-russes/ ; Twitter, https://twitter.com/farafinaw/status/1630706800809869317?s=46&t=M-ltM_HI9JT25XZ98VNhLQ
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