La visite de Taïwan par Nancy Pelosi, 82 ans, speaker (présidente) démocrate à la Chambre des représentants et la plus haute autorité américaine à se rendre sur l’île depuis 25 ans, a accru les tensions entre les États-Unis et la Chine.[1] Un jour après cette visite, la Chine a débuté des exercices militaires sans précédent autour de Taïwan.[2]
Taïwan n’est pas un État indépendant, mais une région autonome de la Chine. La Chine est fondée sur le principe “un pays, deux systèmes”, le territoire continental étant régi par un système socialiste tandis que Hong Kong, Macao et Taïwan sont régis par un système capitaliste. Hong Kong a été rétrocédée à la Chine par le Royaume Uni en 1997 et Macao par le Portugal en 1999.
S’agissant de Taïwan (Formosa), cette île fut préalablement cédée par la Chine au Japon par le traité de Shimonoseki de 1895 qui mit fin à la première guerre sino-japonaise dont le Japon sortît vainqueur. Vaincu cependant lors de la seconde guerre mondiale en 1945, le Japon rétrocédera Taïwan à la Chine. Certains contestent cette rétrocession au motif qu’elle ne fut pas conforme au droit international, ajoutant que Taïwan fut cédée à la Chine pour le compte des alliés. Il est néanmoins clair que la Chine avait la légitimité de récupérer ce territoire qui lui appartenait au 19e siècle.
Aujourd’hui, Taïwan n’est pas considéré comme un État indépendant par l’écrasante majorité des pays dans le monde y compris par les États-Unis et les Nations Unies.[3] Par ailleurs, la grande majorité des Taïwanais sont pour la politique du statu quo, c’est-à-dire ni pour l’indépendance ni pour l’unification avec la Chine. Seule une petite minorité souhaite une indépendance ou une unification immédiate selon des sondages récents.[4] Les deux principaux partis politiques de l’île sont le Kuomintang (KMT) favorable au statu quo et le Parti Démocrate Progressiste (DPP) favorable à l’indépendance. Taïwan est actuellement gouverné par la présidente Tsai Ing-wen, issue du DPP et formée aux États-Unis et en Angleterre.
Ces dernières années, plusieurs évènements ont contribué à détériorer les relations entre Taïwan et la Chine. Ainsi, en juillet 2019, les États-Unis ont approuvé la vente d’armes à Taïwan d’un montant de 2,2 milliards de dollars. En mai 2020, la présidente Tsai a rejeté l’application du principe “un pays, deux systèmes” et la souveraineté de la Chine sur l’île.[5] En mai 2022, Biden a franchi le Rubicon en déclarant que les États-Unis défendraient militairement Taïwan en cas d’invasion chinoise, une position qui tranche alors avec la stratégie politique américaine dite d’ambiguïté à l’égard de Taïwan.[6]
En somme, la grande majorité de la population taïwanaise étant pour le statu quo avec la Chine, en l’absence d’un référendum favorable à l’indépendance, certains politiciens locaux ne sont pas légitimes à s’opposer à une supervision générale chinoise de l’île et ne devraient surtout pas envenimer la situation au profit d’une puissance extérieure. La comparaison régulièrement faite avec l’Ukraine est inappropriée parce que Taïwan n’est pas un État indépendant.
La visite de Nancy Pelosi, une personnalité relativement contestée en politique intérieure, ressemble à un acte explicite d’ingérence, sans gain diplomatique, presque inutile. Perçue par la Chine comme un acte de provocation, d’humiliation et de déstabilisation interne, cette visite tend fortement les relations entre les deux premières puissances économiques mondiales dans un contexte international déjà difficile, marqué par la nécessaire reprise économique post-pandémique et par le conflit en Ukraine. Il y a aujourd’hui une élite manifestement débridée capable de menacer volontairement la paix et la sécurité internationales.
[1] Le Nouvel Obs, 2 août 2022, www.nouvelobs.com/monde/20220802.OBS61611/l-avion-de-nancy-pelosi-a-atterri-a-taiwan-malgre-les-mises-en-garde-de-pekin-tension-maximale-dans-la-zone.amp
[2] Euronews, 3 août 2022, https://youtu.be/UK7hiVMaGL4
[3] CGTN, 3 août 2022, https://youtu.be/WHoLZ55vkJw
[4] Global Taiwan Institute, “Taiwanese Preference for Status Quo Remains Constant Even as Views Harden“, July 28, 2021, Vol. 6, Issue 15, https://globaltaiwan.org/2021/07/vol-6-issue-15/#RussellHsiao07282021, https://globaltaiwan.org/wp-content/uploads/2021/07/GTB-6.15-draft-2-PDF.pdf
[5] France 24, 20 mai 2020, https://amp.france24.com/fr/20200520-taïwan-la-présidente-tsai-défie-pékin-en-rejettant-le-principe-un-pays-deux-systèmes
[6] Today, May 23, 2022, https://youtu.be/0k-SJ2eG8c0
© 2020 viewspost.com All Rights Reserved