LE “FACT-CHECKING” HISTORIQUE DES DECLARATIONS DE TRUMP PAR TWITTER

Pour la première fois dans l’histoire, un géant du web a décidé de procéder à un “fact-checking” des déclarations tenues par un président américain. Le “fact-checking” est une opération qui consiste à vérifier les faits pour confirmer ou infirmer une déclaration donnée. Certains sites sont spécialisés dans cette activité, mais on comprend vite l’intérêt pour eux d’être indépendants, non partisans, au service de l’intérêt général. Le 26 mai 2020, Twitter a décidé de procéder ainsi contre deux tweets du président américain. Sous les tweets de Donald Trump apparaissent ainsi des liens placés par la société Twitter. Ces liens renvoient à une note de Twitter précisant que les déclarations de Trump sont sans fondement selon CNN et Washington Post, cette note étant accompagnée des liens sur des articles de presse de ces médias censés démontrer l’inexactitude des affirmations de Trump. Ces deux médias sont pourtant accusés eux-mêmes par certains de ne pas être impartiaux.

Cette décision sans précédent intervient après une série de suppressions et de suspensions par le géant du numérique de tweets et de comptes déclarés non conformes à ses règles internes. Les deux cas les plus emblématiques concernent deux chefs d’Etat. Le 29 mars 2020, le jour même où la FDA, l’agence américaine des aliments et des médicaments, a autorisé l’hydroxychloroquine comme moyen de lutte contre le COVID-19, Twitter a supprimé des tweets du président brésilien Jair Bolsonaro dans lesquels celui-ci encourageait l’usage de l’hydroxychloroquine et la fin des mesures d’isolement dans son pays. La semaine d’avant, c’est un tweet du président vénézuélien Nicolás Maduro que Twitter avait supprimé au motif qu’il promouvait un remède naturel contre le COVID-19.[1]

En l’espèce, Twitter s’est probablement érigé en censeur de la liberté d’expression et en arbitre du débat politique, sachant que la question soulevée par Trump était une question politique débattue et qui divise la société américaine. Il s’agissait ici du vote par courrier postal que Trump a qualifié dans ses tweets de méthode électorale frauduleuse. De plus, en procédant ainsi, Twitter serait moralement obligée à signaler de nombreux tweets et à devenir une sorte d’arbitre de la vérité. Or cette société ne dispose ni des capacités ni d’une légitimité pour affirmer que telle affirmation est vraie et telle autre ne l’est pas. En dehors des contenus explicitement illicites, la liberté d’expression devrait relever de la seule appréciation du juge. Par ailleurs, dans leur ensemble, les citoyens sont capables de juger et de discerner sans qu’il soit besoin de leur dicter ce qu’il convient de lire, de penser ou non. La liberté de pensée inclut celle de penser de façon erronée. En outre, Twitter ne pourrait pas échapper à des accusations mettant en cause des signalements jugés partisans.  

En somme, Twitter dont la plateforme est censée demeurer neutre a pris un risque considérable et inconsidéré en réalisant un “fact-checking” des déclarations du président américain, au point même de susciter les critiques de Mark zuckerberg, CEO de Facebook. Pourtant, Jack Dorsey, CEO de Twitter, a confirmé que sa compagnie « continuerait à signaler des informations incorrectes ou contestées sur les élections dans le monde ». [2] Le hic, c’est de savoir par qui et à partir de quels critères des informations pourraient être considérées comme contestées.

Sans certainement le réaliser, Jack Dorsey vient de relancer un débat que beaucoup attendaient sur le rôle des géants du web au regard de la liberté d’expression. Le président Trump a ainsi annoncé l’adoption d’un décret qui devrait ouvrir la voie aux fonctionnaires fédéraux de sanctionner Twitter, Facebook et YouTube (Google) au sujet de la manière dont ils modèrent les contenus postés sur leurs plateformes.[3] Ce décret a été signé le 28 mai 2020. Il modifie la Section 230 du Communications Decency Act, la loi qui accordait aux sociétés précitées une immunité contre toute poursuite judiciaire liée à leur intervention sur les contenus publiés par les usagers.


[1] Views Post, 15 mai, 2020, https://viewspost.com/covid-19-tracage-numerique-et-vision-politique/

[2] New York Post, May 27, 2020, https://nypost.com/2020/05/27/mark-zuckerberg-criticizes-twitter-for-fact-checking-trump/

[3] The Washington Post, May 28, 2020, https://www.msn.com/en-us/news/politics/trump-expected-to-sign-executive-order-that-could-threaten-punishment-against-facebook-google-and-twitter-over-allegations-of-political-bias/ar-BB14GPyk?ocid=msedgntp

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