La décision d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée Nationale[1] est assez difficile à saisir. Elle peut s’analyser comme une tentative pour le Président de se dédouaner de toute responsabilité face à l’état préoccupant de la France ou face à des événements ultérieurs, en provoquant une cohabitation et suscitant ainsi l’arrivée aux affaires d’un mouvement d’opposition. Cette décision peut procéder d’un calcul politicien d’user le Rassemblement National (RN, ex FN) à la tâche pour amoindrir ses chances à la présidentielle de 2027.
Quoiqu’il en soit, cette décision qui peut être perçue comme un coup de poker ou un coup de sang du Président, est un acte de suicide politique pour la galaxie “macronienne”. Au lendemain de la défaite aux élections européennes, il est en effet fort probable que le parti Renaissance (RE, ex En Marche) créé par Emmanuel Macron ne remportera pas les élections législatives anticipées.
Macron a fait irruption sur la scène politico-médiatique en contribuant à exploser en 2017 le Parti socialiste et l’UMP, à la suite d’une élection présidentielle précédée d’une opération de manipulation médiatique et d’une opération politico-judiciaire contre l’ancien Premier ministre François Fillon, le favori de cette élection. Aujourd’hui, Macron réitère un sombre exploit en contribuant à fragiliser 4 mouvements politiques :
- Les Républicains (LR, ex UMP) avec l’exclusion -puis son invalidation par la justice- du président Éric Ciotti qui a décidé de s’allier au Rassemblement National dans la perspective des législatives ;
- Reconquête d’Éric Zemmour avec l’exclusion de sa tête de liste et nouvelle eurodéputée Marion Maréchal qui soutient également le RN, son ancienne famille politique ;
- La France Insoumise (LFI) avec la création du Front populaire unissant les forces de gauche, mais qui éclate les tensions entre Jean-Luc Mélenchon et des figures historiques de la LFI impudemment écartées des investitures des législatives, sans oublier les actions de certaines personnalités de gauche de nature à saboter cette nouvelle union politique au profit d’un duel entre Renaissance et le RN ;
- et Renaissance, le parti créé par Macron lui-même, désormais en débandade et voué à une disparition probable en raison d’une ossature politique extrêmement fragile sur le plan idéologique et particulièrement fondée sur des adhésions de cour.
Une cohabitation sous le régime de Macron pourrait annoncer un moment de respiration démocratique, mais il est probable que l’engouement créé soit de courte durée. A moins d’une surprise, le RN, fort de sa récente victoire aux européennes, pourrait rééditer l’exploit aux législatives et arriver ainsi au pouvoir.
Les yeux se tournent vers Jordan Bardella, le président du RN, comme potentiel futur Premier ministre. Tête de liste RN aux européennes, Bardella a bénéficié d’une médiatisation scandaleusement intense, avec deux débats qui ont contribué à le rendre “Premier ministrable” : un premier débat avec l’ancien Premier ministre Manuel Valls le 9 avril 2024, puis un second débat avec l’actuel Premier ministre Gabriel Attal le 24 mai 2024, les deux Premiers ministres n’étant pourtant pas candidats aux européennes. L’objectif était-il de préparer les Français à cette éventualité ? Ce jeune bachelier de 28 ans a-t-il la maturité, l’expérience et la hauteur de vue nécessaires pour diriger l’action du Gouvernement ?[2]
À ce jour, il est difficile de connaître ce que sera le visage politique de la France dans les prochaines semaines. Le pays sera-t-il gouvernable dans un contexte international marqué par le conflit en Ukraine, une crise d’une extrême gravité pour la paix mondiale ? Quid de la sécurité des Jeux Olympiques (JO) de Paris qui débutent le mois prochain ? Sur un ton plus léger et plus symbolique, Netflix a sorti ce 5 juin le film “Under Paris” (“Sous la Seine”), le récit d’un massacre par un grand requin lors d’une compétition de triathlon dans la Seine précédant l’organisation des JO. Le massacre est suivi d’une série d’explosions qui font déborder la Seine, Paris est alors inondée et remplie de requins qui se sont reproduits. Puis, le générique de fin du film montre des lignes rouges qui se propagent sur les eaux, suggérant une propagation meurtrière de requins, de Paris à Londres, jusqu’à New York. En somme, un film qui ne rassure pas du point de vue symbolique. Le grand requin serait-il une allégorie de « la bête de l’événement » dont Macron avait annoncé l’avènement en 2020, en précisant que les peuples devraient accepter que cette bête les change ?[3] Le futur proche éclairera notre lanterne.
[1] BFMTV, 9 juin 2024, https://youtu.be/Dm27NwstXcY
[2] Views Post, 30 mai 2024, https://viewspost.com/chroniques-dactualite-218-debat-entre-gabriel-attal-et-jordan-bardella/#_ftn9
[3] Views Post, 1er juin 2020, https://viewspost.com/vision-personnelle-et-prospective-demmanuel-macron-pour-le-monde-post-covid/
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