Le 1er mars dernier, le ministre français de l’économie Bruno le Maire annonçait viser l’effondrement de l’économie russe, résumant froidement la volonté des pays occidentaux : « Les sanctions sont efficaces (…). Nous allons livrer une guerre économique et financière totale à la Russie. Nous allons donc provoquer l’effondrement de l’économie russe ».[1] Trois mois plus tard et après le sixième paquet des sanctions européennes contre la Russie, l’économie russe ne s’est pas non seulement effondrée, mais elle semble même mieux se porter, ce qui n’est pas le cas des pays responsables des sanctions.
Ainsi, le Rouble russe a considérablement pris de la valeur face au dollar américain et à l’euro, une des conséquences des sanctions qui pourraient annoncer la fin de la dollarisation du monde. La monnaie russe est même devenue la monnaie la plus performante dans le monde cette année.[2] L’économie russe profite du surenchérissement du prix du baril provoqué par les sanctions. En mai dernier, la Russie est devenue le deuxième plus grand exportateur de pétrole de l’Inde.[3] Le 12 juin, un nouveau corridor maritime et routier liant la Russie à l’Inde en passant par l’Iran a été inauguré par ces trois pays, un projet stratégique qui a été accéléré par les sanctions.[4]
Par ailleurs, les actifs laissés par les sociétés occidentales ayant quitté la Russie sont repris par des locaux. En mai dernier, McDonald’s a quitté la Russie, mais un mois seulement après, l’enseigne américaine a été remplacée par une nouvelle enseigne russe, Vkusno & tochka. Le repreneur, un homme d’affaires nommé Alexander Govor, a quasiment conservé les mêmes prestations offertes par McDonald’s, les mêmes employés, et 98% des ingrédients utilisés sont désormais d’origine russe.[5]
Si l’incompétence est une chose, la poursuite de l’incompétence au plus haut niveau peut être révélatrice d’objectifs différents de ceux affichés. Les citoyens des pays membres de l’Union Européenne devraient se demander si l’élite qui les représente aujourd’hui préfère laisser leurs économies se fragiliser pour les rendre plus solubles dans une Europe fédérale. Jugeant impossible une Europe fédérale, le général de Gaulle avait en effet déclaré : “On ne peut pas faire une omelette fédérale avec les œufs durs que sont les vieilles nations d’Europe“.[6]
[1] France 24, 1er mars 2022, https://youtu.be/Ntzacqlm-Ac
[2] CBS News, 27 May 2022, www.cbsnews.com/news/russia-ruble-currency-2022/
[3] Reuters, 13 June 2022, www.reuters.com/world/india/russia-becomes-indias-second-biggest-oil-exporter-trade-sources-2022-06-13/
[4] RFI, 14 juin 2022, www.rfi.fr/fr/asie-pacifique/20220614-commerce-la-russie-et-l-inde-inaugurent-une-nouvelle-route-maritime ; OpIndia, 15 June 2022, www.opindia.com/2022/06/russia-sends-test-consignment-to-india-through-caspian-sea-iran-route/
[5] Reuters, 12 June 2022, www.reuters.com/world/europe/mcdonalds-russia-reopens-under-new-ownership-renamed-vkusno-tochka-2022-06-12/
[6] Le Monde, 14 septembre 2012, www.lemonde.fr/economie/article/2012/09/14/les-europeens-ne-sont-pas-prets-au-big-bang-federal_1760361_3234.html
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